Dans le cadre de la première année de Master Innovation et Management de la Transition des Territoires à l’Université Côte d’Azur, nous avons réalisé un mémoire de recherche. Supervisé par notre directeur de mémoire, Ali Douai, nous nous sommes penchés sur la thématique de la cyclo logistique dans la ville de Nice et l’opportunité qu’elle représente face à la livraison traditionnelle au sein du dernier kilomètre.
Nous vous proposons de découvrir les grands axes de ce mémoire qui a rythmé une partie de l’année de M1 et comprendre les enjeux de la cyclo logistique dans la ville de Nice. En fin d’article, vous pouvez retrouver l’intégralité du mémoire en format .pdf avec toutes les hypothèses ainsi que la retranscriptions des entretiens.
Un état de l’art qui apporte des éléments intéressants sur la ville de Nice
Une plongée dans la littérature scientifique nous enseigne de nombreuses choses sur la ville de Nice ainsi que sur la cyclo logistique en générale. À première vue, Nice ne semble pas être une ville adaptée dans sa globalité à la cyclo logistique (cf.les collines niçoises). De plus, nous remarquons que des freins pour le développement d’une activité de livraison sur le dernier kilomètre à vélo subsistent et rendent le développement de cette activité assez scabreuse.
Une ville congestionnée par son trafic et son urbanisme
Selon une étude réalisée par INRIX dans son Global Traffic Scorecard, les automobilistes niçois perdent environ 60 heures par an dans la circulation. En se déplaçant dans Nice, nous nous rendons aussi compte que la l’urbanisme évolue peu et les rues étroites et le manque de place de stationnement dans la ville de Nice n’arrange pas les choses.
En conséquence, double file et congestion participent à l’engorgement des rues de la ville. AtmoPACA (2012) et AtmoSud (2018) en ont aussi démontré que la double file à Nice participe à la dégradation de la qualité de l’air à Nice. À noter que la double file est une solution d’auto-organisation pratiquée principalement par les professionnels et les résidents à Nice. (Aldoma, 2012)
De même, les chercheurs Martin et Adnès en 2016 ont effectué des trajets à vélo dans la ville et ont capté grâce aux capteurs une dégradation de la qualité de notre air.
Toujours plus de colis dans un dernier kilomètre qui n’en n’est pas un !
Il faut être clair, les habitudes de consommation ont largement évolué avec le e-commerce. Nos colis arrivent de plus en plus vite grâce aux services de certains acteurs comme Amazon. Rien qu’à Nice, la région PACA à vu une augmentation du nombre de colis de près de 45% selon DHL.
Cela induit des cadences de livraison toujours plus élevées dans nos villes. Ce volume de colis se retrouve dans ces VUL polluants et non respectueux du Code de la route. Selon Statista près de 237 03 VUL se trouvent sur les routes en France et une partie d’entre eux participent au dernier kilomètre.
À Nice, le dernier kilomètre, entendons la dernière phase dans la chaîne de logistique, est spéciale. C’est l’étape précédant la réception du colis. Ce dernier kilomètre n’en est pas vraiment un à Nice. Les colis arrivent en majorité dans la zone d’activité de Carros ou au niveau de la zone du PAL à Nice, proche du quartier Méridia. Il s’agit en réalité des derniers 10 kilomètres. Tout l’enjeu est donc de réduire l’impact écologique de ce maillon de la chaîne.
La mise en place d’une ZFE
La mise en place de la Zone à Faibles Émissions (ZFE) dans le centre de la ville rabat les cartes. Cette mesure progressive verra le bannissement des véhicules thermiques les plus polluants du centre de la ville. À terme, la ville retrouvera un semblant de quiétude. Mais en attendant, les entreprises de livraisons doivent investir pour trouver des alternatives et ne pas perdre des parts de marché.

Des expérimentations à l’étranger qui portent leurs fruits
La cyclo logistique semble être une véritable alternative. À Londres, des expérimentations montrent que la cyclo logistique est plus efficace que la livraison que nous qualifions de “traditionnelle” dans nos recherches (The promise of Low Carbon Freight, 2022). Nous observons aussi que sur le plan écologique et économique, le vélo cargo possède un avantage non négligeable. La dette écologique lors de sa création est nulle. Et même si l’on prend en compte les aliments que vont ingérer les livreurs pour faire avancer le cargo ainsi que l’électricité injectée dans la batterie, le vélo cargo se pose comme la solution écologique en ville.
Sur le plan économique, le vélo cargo dispose aussi d’un sérieux avantage. L’achat d’un véhicule utilitaire léger électrique ou thermique est 3 fois plus élevé en moyenne que l’achat d’un vélo cargo traditionnel. De plus, sur l’entretien de véhicule, nous assistons aussi à une certaine réduction des coûts non négligeable pour l’entreprise. Néanmoins, la formation de nouveau mécanicien, l’achat ou le développement de logiciel dédiés à la livraison en vélo peut avoir un certain coût.
Dans ce contexte, il est intéressant de se pencher davantage sur le sujet et se poser la question suivante : « En quoi la cyclo logistique est une opportunité au Dernier Kilomètre au sein d’une ville congestionnée en comparaison des entreprises de livraison traditionnelle ? »
Des livreurs à vélo enclins à faire bouger les choses
La cyclo logistique se pose alors comme une véritable solution. Des acteurs comme Agileneville, Transcan ou encore Le Lien participent à cet essor de la livraison décarbonée dans notre ville.
Les acteurs de la livraison à vélo à Nice, deux modèles deux philosophies
À cause de sa topographie, la ville de Nice n’est pas un terreau propice à la cyclo logistique. Le littoral se prête très bien à la livraison à vélo avec sa surface relativement plane et ses pistes cyclables. En revanche, le reste de la ville est largement vallonné et pose des problèmes d’efficacité face à la livraison traditionnelle. Pourtant, nous assistons à une véritable émergence de la cyclo logistique dans la ville de Nice, entamée au début des années 2010 avec Le Lien et son créateur Maxime. Depuis, on distingue deux modèles dans la cyclo logistique niçoise.
Agilenville, le modèle pur de la cyclo logistique
De manière un peu plus primaire et originelle, on retrouve des acteurs qui pratiquent une cyclo logistique pure dans la ville. Entendons par là que l’activité de livrer le dernier kilomètre est réalisée par des vélos (fixies) et des vélos cargo à propulsion humaine ou avec l’aide d’une assistance électrique.
C’est le cas d’Agilenville que nous avons pu interviewer lors de nos recherches et qui nous ont aidés à y voir un peu plus clair sur l’activité de la livraison décarbonée à vélo à Nice. Ils ont confirmé certaines de nos hypothèses et ont permis d’y voir plus clair sur les problématiques d’efficacité du vélo dans les collines niçoises.

Transcan, le modèle hybride de la cyclo logistique
Dans un second temps, des acteurs locaux de la livraison se sont intéressés à la cyclo logistique pour répondre aux contraintes imposées par la ZFE à Nice. Ainsi, ces entreprises se sont diversifiées et investissent dans l’achat de vélos cargos. Ce modèle est le modèle hybride de la cyclo logistique. L’entreprise part d’une activité carboné et introduit de la livraison décarbonée à l’aide de vélo cargo.
C’est le cas de Transcan qui sillonne les rues de Nice avec ses triporteurs. Ce qui est intéressant dans le cas de Transcan, c’est que l’entreprise a disséminé ses hubs aux quatre coins de la ville et prend très au sérieux la problématique du Dernier Kilomètre à Nice.
Grâce aux retours de Transcan, nous comprenons que la cyclo logistique fonctionne encore mieux avec des solutions annexes comme l’ajout de hubs pour mailler la ville. Cependant cela induit des coûts fonciers qui sont trop importants pour des entreprises plus petites.

Olvo, la méthode parisienne
Pour comprendre au mieux la cyclo logistique et ses spécificités, nous avons interrogé le modèle parisien. Ainsi, la coopérative Olvo a accepté de répondre à nos questions. De ce fait, nous avons compris que le cargo reste une solution viable et compétitive face à la livraison traditionnelle dans un environnement urbain congestionné. Là où les VUL peinent à circuler, les vélos cargo se faufilent et arrivent rapidement à destination. Surtout lorsque le réseau cyclable est bien réalisé. En revanche, nous avons pu comprendre que le dénivelé est un frein à la progression du vélo cargo. De plus, Olova rapporte que l’achat ou le développement d’outils dédiés à l’activité de la cyclo logistique est un aussi un frein pour les entreprises les plus petites.

La cyclo logistique, un modèle qui fonctionne encore mieux à Nice une fois combinée avec d’autres solutions
Pour conclure ce résumé des recherches menées à Nice, nous comprenons que la cyclo logistique est une réelle opportunité à la livraison traditionnelle dans la ville de Nice.
Néanmoins, il convient de comprendre qu’elle ne peut se substituer seule aux VUL thermiques. Il faut absolument que la cyclo logistique puisse être combinée à d’autres solutions pour garder une certaine efficacité, ainsi nous avons imaginé plusieurs scénarios :
- Mailler les collines niçoises avec des hubs tactiques et les livrer grâce à des véhicules électriques. Des livreurs avec des vélos cargo à assistance électrique pourraient alors effectuer des tournées sans perdre de temps dans les pentes les plus raides qui les empêchent d’accéder à ces zones-là.
- Mailler les collines niçoises avec des hubs mobiles aménagés dans des véhicules électriques. Des livreurs à vélo cargo à assistance électrique pourraient alors effectuer des tournées sans perdre de temps. Cela aurait l’avantage de contourner le coût foncier d’un hub fixe et d’offrir une zone flexible en fonction des besoins des livraisons à effectuer.
- La dernière solution que nous préconisons est une solution progressive dans le temps. Nous préconisons des hubs mobiles aménagés dans des véhicules autonomes à l’image de la navette autonome développée à l’IMREDD à travers la Chaire Territoires & navettes autonomes. Le travail mené par les chercheurs sur ce projet permet autant de transporter des individus que de livrer des colis en se passant d’un conducteur dans un futur proche (Chaire Territoires & Navette autonomes, 2021). L’avantage d’une telle solution est progressif dans le temps puisqu’il est possible de se passer des coûts fonciers d’un hub fixe mais aussi de réaliser des économies sur les ressources humaines en se passant d’un conducteur pour la navette de livraison autonome. Cette navette pourrait ravitailler les livreurs en accédant à des zones plus reculées.
Néanmoins, nous sommes conscients que ces recommandations doivent prendre en compte le paramètre de vitesse sous lequel le vélo cargo n’est plus efficace lorsqu’il est engagé sur une route qui monte. Cette vitesse reste à être déterminée en fonction du % d’inclinaison de la route et du poids que transporte le vélo. Enfin pour compléter nos recommandations, nous pensons que la réalisation d’un dernier kilomètre cyclable dans la ville de Nice ne peut se faire sans le concours de partenariat publics privés entre la ville et les acteurs de la cyclo logistique à Nice.
Bien que la ville de Nice œuvre déjà avec des acteurs de la logistique à Nice mais aussi de la cyclo logistique, nous recommandons de poursuivre ces efforts et à mutualiser les ressources. Dans le but de créer par exemple des espaces dédiés à des hubs mobiles et ou tactiques qu’il est possible de sécuriser mais aussi continuer à œuvrer sur les pistes cyclables des collines niçoises afin de proposer des voies sécurisées pour la cyclo logistique mais aussi pour les riverains. Nous pensons aussi que des appels à projets réalisés par la ville de Nice permettraient de soutenir le développement et la croissance de la cyclo logistique dans la ville de Nice.