La Côte d’Azur a ce charme indescriptible. Celui des paysages bucoliques et poétiques du bord de mer. Là où les poètes clament leurs vers et chantent les muses.
La Côte d’Azur, c’est les strass et les paillettes des stars et des grands de ce monde. Monaco, Cannes, Nice, Menton… . Ces villes ont accueilli beaucoup de célébrités et de gens fortunés mais elles ont aussi accueilli des courses cyclistes aujourd’hui oubliées.
Ces classiques cyclistes d’avant-guerre n’avaient pas le charme et la douceur d’une sortie en bord de mer. Elles étaient terrifiantes, exigeantes et bien souvent le théâtre d’une belle bagarre entre les participants. Ces courses d’un jour ont vu la naissance de champions, de ces grimpeurs de légende qui marquèrent le Tour de leur empreinte. Par leur performance ou par leur caractère.
Aujourd’hui, dans cette nouvelle série sur les courses oubliées de la Côte d’Azur, nous roulons dans la roue de René Vietto et de ses victoires sur la Boucle de Sospel.
L’histoire cycliste du Tour et de la Côte d’Azur
Il y a une époque où le Tour de France posait souvent ses valises au bord de la Méditerranée. Le Tour d’avant-guerre est celui des pionniers et des épopées. Les étapes étaient plus longues, impitoyables et rustiques bien loin de ce que l’on connaît aujourd’hui. Ces parcours à vélo étaient rudes et ont donné lieu à de véritables monuments du cyclisme.

En 1934, le Tour passe à nouveau sur la Côte d’Azur. Le tracé de la onzième étape, de Nice à Cannes emprunte le Col de Braus, file sur Sospel puis Menton, Nice et enfin Cannes. L’étape du jour emprunte le circuit de la Boucle de Sospel, une course déjà remportée par René Vietto. Itinéraire vélo disponible en fin d’article.
Ce jour-là, l’ancien groom cannois se transcende sur cette étape. Il se proclame meilleur grimpeur du monde et remporte l’étape Nice – Cannes sur des routes qu’il connaît parfaitement.
La Boucle de Sospel, une course exigeante
En 1922, une course cycliste voit le jour dans le département des Alpes-Maritimes. Elle se nomme La Boucle de Sospel. Bien que la course ne soit pas très longue, à peine 96km, elle n’en reste pas moins exigeante. En effet, la course consiste en une boucle au départ de Nice qui serpente vers Sospel et qui revient ensuite à Nice par le Grande Corniche.
Nommée à l’origine La Boucle de l’USTNL (Union Sportive des Tramways de Nice et du Littoral) la course a bénéficié d’une certaine couverture. Notamment grâce au journal local, L’Eclaireur de Nice, qui mettait en lumière la course pour grossir son tirage. Le journal a suivi la tendance d’antan, en sponsorisant la course.
La boucle de Sospel, Une classique pour les grimpeurs
La course avait la particularité d’être une course pour débutants et amateurs. Il n’en reste pas moins que des grands noms se sont révélés sur le tracé de la boucle et ont ensuite brillé sur des courses de renommées tant le profil est difficile et favorable aux grimpeurs.
« Le Tourmalet, c’est difficile, parce qu’il y pleut généralement, mais votre Braus, quel enfer ! ».
Nicolas Frantz

La course n’étant qu’une succession de montées et de descentes dans les verdoyantes vallées, les coureurs qui s’imposent le font en petit comité ou en solitaire. La boucle passait par la ville de Sospel qui est encaissée dans une vallée à l’ouest de Nice. On y accède par le Col de Braus et on y ressort par le Col du Castillon avant de plonger sur Menton puis de remonter sur la Turbie avant une ultime descente vers Nice.
La course était si exigeante que dès le Col de Nice, le peloton volait en éclat et le groupe des favoris se dessinait avant même la montée du délicat Col de Braus.
Le col de Braus, un enfer sous le ciel azuréen
Le col de Braus est l’un de ces cols à ne pas sous-estimer. Depuis la création du Tour et durant l’avant-guerre, il a été escaladé près de 27 fois par les coureurs. Il était privilégié car il pimentait alors les étapes. Aujourd’hui il est boudé au profit de son voisin, Le col de Turini.
Braus est un de ces cols qui toisent la Méditerranée. Petit, trapu mais redoutable. Son sommet culmine à 1002m d’altitude mais pour y arriver, 21km de faux plat attend les cyclistes jusqu’au petit village de l’Escarène.
Bien souvent, l’odeur des olives tombées au sol enivre et suit les coureurs jusqu’à ce que les sapins prennent la place des oliviers et que le paysage change. La route est alors grasse lors des premières pentes.
On commence petit à petit à retrouver un décor montagnard avec au sommet les ruines d’une vieille bâtisse, témoin des batailles passées. Celle des cyclistes et des soldats de la Seconde Guerre mondiale, mais c’est une autre histoire. Guerre, paix et monument.
En haut du col se tient la stèle René Vietto. hommage au coureur qui s’est envolé ici. L’Air René Vietto, 1002m. Tout un symbole pour le coureur azuréen qui disait freiner dans les lacets des cols.
Pour y arriver, près de 10km et 6% de moyenne. 6 petits pourcents qui font des à-coups, qui tirent la grimace dès le pied du col avec des passages à 12. Et lorsque la chaleur arrive, elle saisit à point les cyclistes et l’asphalte et ajoute un peu plus de difficulté à la pente. En 1928, Nicolas Frantz coureur luxembourgeois vainqueur à Nice déclarait au Petit Niçois : « Le Tourmalet, c’est difficile, parce qu’il y pleut généralement, mais votre Braus, quel enfer ! ».
René Vietto, le champion
De ces champions d’antan, René Vietto fait partie de ceux qui se sont révélés sur la Côte d’Azur. D’abord sur la Boucle de Sospel où il s’impose en 1931 à l’âge de 16 d’un courte tête sur le Boulevard Risso à Nice face à Paolo Bianchi.

Lors de cette édition pluvieuse, au sein du groupe des leaders dans le Col de Braus, il n’attaque pas. Il fait sa course, à son rythme. Il se fait lâcher mais revient sur les leaders dans la côte de la Turbie pour s’imposer au sprint. par la suite, il gagne la course à nouveau en 1933.
La légende des grimpeurs
Le “Roi René” est un de ces coureurs qui ont forgé la légende des grimpeurs du Tour. Outre sa victoire sur la onzième étape du Tour en 1934, il marque la course cette année-là en remportant le prix de la montagne et 4 étapes dont deux de montagne en dominant les Alpes.
Il n’a jamais remporté le Tour de France mais en a porté haut les couleurs. D’abord en 1939 pendant 11 jours, il termine sur la seconde marche du podium lors de cette édition puis pendant 15 jours en 1947.
L’histoire de René est intimement liée à celle du Tour. En 1934, pour sa première participation au Tour, il gagne les faveurs du public autant que celle de la montagne. Sur cette édition, le coureur n’est pas vu comme un leader, sa participation fait même contestation auprès des journalistes.
À deux reprises, le jeune grimpeur vient en aide au leader de la course, Antonin Magne. La première fois en lui donnant sa roue lorsque celui-ci la brise en chutant et la seconde fois en lui donnant son vélo lors des descentes des cols de Puymorens et du Portet-d’Aspet. Antonin Magne remporte cette édition du Tour de France, René Vietto termine à plus de 59 minutes. Une autre époque.
La légende reste
En l’honneur de cet immense grimpeur, une stèle et une air sont dédiés à René Vietto au sommet du Col de Braus. En 1988, son fils accomplit la dernière volonté de son père, celle de répandre ses cendres en haut du col. Alors dans une ultime ascension, René Vietto gravit le col qui l’a vu s’envoler.
