Le gravel est peut-être la discipline de course cycliste la plus récente, mais sa technologie innovante est souvent empruntée à d’autres disciplines cyclistes, certaines plus surprenantes que d’autres. Bien sûr, une grande partie de la technologie, comme les pneus crantés et les gammes de vitesses, provient du monde du VTT, mais si vous participez à des courses de gravel et recherchez des moyens d’optimiser chaque watt, vous devriez également vous tourner vers l’endroit peut-être improbable du triathlon et du contre-la-montre.
Bien que le gravel soit une discipline toute jeune, elle emprunte bien souvent des technologies innovantes provenant d’autres disciplines du cyclisme. Il est clair que la route ou encore le vtt sont les viviers d’inspirations les plus forts cependant, il a une discipline dans laquelle on ne s’attend pas forcément à une association avec le gravel, il s’agit du triathlon.
Oui, le triathlon. Certes, le multisport est davantage une entreprise individuelle qu’un sport d’équipe et les tactiques de groupe sont très différentes en raison des pénalités de drafting, mais beaucoup de sorties gravel se font également en solitaire.
Certes le triathlon est une histoire d’efforts solitaires et multidisciplinaires mais le gravel se fait parfois aussi en solitaire (surtout lorsque que l’on se retrouve isolé). Les triathlètes ainsi que les entreprises savent comment tirer partis du matériel et comment gagner des précieux watts.
De nombreux designs de vélos gravel intègrent certaines des meilleures caractéristiques et éléments de conception des vélos de contre-la-montre, avec des optimisations pour la conduite hors route, pour de nombreuses raisons similaires. Voici quelques technologies du gravel qui ont pris leur origine dans le triathlon.
Les prolongateurs pour une position plus aérodynamique
Les courses sur route et les triathlons sont maintenant largement dominés par les vélos conçus pour réduire au maximum la résistance à l’air, dans le milieu les spécialistes sont désignés comme étant des “uberbikers”. Les triathlètes investissent considérablement dans des vélos à l’aérodynamisme poussé et passent du temps en soufflerie pour adopter des positions qui optimisent leur vitesse sur des vélos offrant une meilleure glisse. Ces configurations aérodynamiques impliquent que les cyclistes se positionnent en avant, au-dessus du boîtier de pédalier, nécessitant l’usage d’accessoires comme des prolongateurs aérodynamiques amovibles pour adopter des postures à faible résistance à l’air. Cette tendance n’échappe pas aux coureurs de gravel et aux fabricants de vélos.
Sur de nombreuses courses gravels, notamment l’Unbound ou encore la Silk Road, les participants sont autorisés à équiper leurs vélos de gravel de prolongateurs aérodynamiques. Ces dispositifs permettaient aux coureurs d’adopter des positions similaires à celles adoptées par les triathlètes sur leurs vélos.

L’ingénerie autour de la conception des cadres
Les vélos de dernière génération conçus pour les épreuves de triathlon et de contre-la-montre présentent des designs de plus en plus uniformisés, basés sur des modèles de dynamique des fluides computationnelle (CFD), des recherches sont menées par des ingénieurs en soufflerie pour réduire au maximum la trainée du vélo. Ces conceptions intègrent des caractéristiques telles que des haubans abaissés, des tubes de direction larges et des tubes supérieurs plats, qui se sont avérés offrir la meilleure pénétration dans l’air et les meilleures performances en contre-la-montre. On retrouve désormais couramment des sections de tubes arrondies à l’avant et des arêtes carrées sur le bord de fuite (connues sous le nom de « queue Kamm »), car ces formes se révèlent aussi efficaces que les profils plus larges, longs et plats, mais nécessitent moins de matériaux. Cela permet à la fois de réduire le poids du vélo et les coûts de fabrication.

Même à des vitesses inférieures à 40 km/h, l’aérodynamique reste pertinente, car réduire la traînée à ces vitesses permet toujours de gagner quelques précieuses secondes avec moins d’efforts. Les vélos gravel ont été conçus avec des formes de tubes et des cadres qui réduisent le coefficient de traînée tout en offrant un niveau de confort supérieur. Les haubans abaissés de ces vélos jouent un double rôle en améliorant l’aérodynamisme et en permettant une flexion contrôlée du cadre pour une meilleure absorption des chocs sur la route. Les parois des tubes sont ajustées en épaisseur pour garantir à la fois la rigidité nécessaire et pour réduire les vibrations de la route, que ce soit sur les vélos de contre-la-montre ou de gravel.
La géométrie du cadre de gravel
Les vélos conçus pour les épreuves de triathlon adoptent des angles de tube de direction et de tube de selle raides. Ces angles permettent de placer les cyclistes au-dessus du boîtier de pédalier dans une position allongée, cela optimise au maxium son pédalage.
En revanche, les vélos de gravel sont spécialement conçus pour assurer le confort des cyclistes lors d’événements plus longs, qui peuvent durer bien plus longtemps que les triathlons longue distance. Cette distinction dans l’objectif de conception crée une divergence entre les caractéristiques des vélos de gravel et ceux destinés aux épreuves de contre-la-montre.
Certains modèles de vélos de gravel adoptent un angle de tube de selle beaucoup moins raide, ce qui les rend très performants lors de la traversée de terrains difficiles, Look en a fait un très bon exemple avec le Look 765 RS. Les selles de ces vélos sont positionnées légèrement plus en arrière par rapport au boîtier de pédalier par rapport à un vélo de route standard, cela contribue grandement au confort et au contrôle des cyclistes sur les chemins de gravier.
Même si la géométrie des cadres peut différer entre les vélos de triathlon et de gravel, le principe fondamental de « choisir le bon outil pour le bon terrain » reste valable. Les enseignements tirés de la conception d’un type de vélo peuvent être adaptés à la conception d’un autre type de vélo, en gardant à l’esprit les spécificités et les objectifs propres à chaque discipline.
Roues à haut profil pour maximiser l’aérodynamisme
Les roues à profil aérodynamique, conçues pour réduire la traînée dans l’air, peuvent apporter des avantages significatifs aux courses de gravel. Tout comme les cadres aux designs plus rapides et les formes de tubes contribuent à une augmentation de la vitesse sans nécessiter plus de puissance, les roues à section profonde peuvent également accroître la vitesse et/ou réduire l’effort requis. Les dernières avancées en matière de conception de roues se concentrent sur la minimisation de la traînée, et les jantes à profil sinusoïdal offrent une stabilité accrue tout en améliorant la maniabilité, quel que soit le sens du vent.

Les avantages ressentis par les triathlètes grâce à des conceptions de roues visant à atténuer la fatigue due à la maniabilité et à réduire l’énergie nécessaire pour maintenir des vitesses de course sont tout aussi pertinents pour les coureurs de gravel, comme avec ces Corima par exemple. Les deux groupes peuvent bénéficier de la technologie aérodynamique pour améliorer leurs performances, en tirant parti de l’efficacité de la conception pour obtenir des gains en vitesse et en économie d’énergie, qu’il s’agisse de lutter contre le vent en triathlon ou de naviguer sur des terrains variés en gravel.
C’est surtout vrai lorsque les courses de gravels ont lieu sur des chemins blancs, des pistes planes bien loins de la caillasse et des DFCI cassantes de la Côte d’Azur par exemple.
La pression des pneus
L’une des questions les plus fréquentes posées aux cyclistes est : quelle pression de pneu ? C’est ici que les coureurs de gravel ont rapidement compris, plus rapidement que leurs homologues triathlètes, l’importance de la quantité d’air à insuffler avant leur sortie. En roulant sur des surfaces variées mais relativement uniformes tout au long de la course, les triathlètes doivent souvent simplement établir une pression optimale en fonction de la taille du pneu et de leur poids. Les adeptes du multisport, qu’ils soient chevronnés ou amateurs de technologies de pointe, qui optent pour des pneus tubeless de dernière génération, suivent souvent le même principe que les coureurs sur route : ils visent une pression de pneu aussi basse que possible. En effet, une pression plus basse offre une conduite plus indulgente et peut même se révéler plus rapide sur les surfaces asphaltées et lisses.
La pression des pneus demeure un sujet quelque peu mystérieux pour certains coureurs de gravel professionnels. Tout comme les mécaniciens d’équipe en stand, les coureurs professionnels ainsi que les amateurs de gravel esquissent souvent un sourire et donnent une réponse vague lorsqu’ils sont questionnés sur leur choix de pression de pneu, tout en se préparant à côté de leurs véhicules de support. Cependant, le principe reste le même que sur la route et en triathlon : il s’agit d’utiliser la pression de pneu la plus basse possible tout en prenant en compte le poids combiné du cycliste et du vélo, tout en gardant à l’esprit les conditions d’adhérence sur les différentes surfaces.
La transmission en gravel
Une tendance extrêmement populaire dans le monde du gravel est l’adoption d’un système à un seul plateau, visant à réduire la traînée aérodynamique générée par un dérailleur avant et le poids qu’il engendre.
De manière similaire, une tendance relativement nouvelle s’est développée dans le domaine des vélos de triathlon et de multisport, où l’utilisation d’un seul plateau est adoptée dans le but de minimiser la traînée aérodynamique résultant d’un dérailleur avant. Cette configuration 1x présente également l’avantage de maintenir la chaîne dans une position relativement plus droite. Bien que les gains marginaux issus de la réduction de la traînée aérodynamique et de la friction entre la chaîne et la cassette puissent sembler minimes, ces avantages peuvent s’accumuler et se traduire par des économies de temps notables sur les longues distances, telles que les segments de vélo de 180 km dans les triathlons longue distance.
Les cyclistes de gravel ont également la possibilité d’adopter une configuration à un seul plateau pour des raisons similaires liées aux économies d’efforts. Cependant, il existe une préoccupation très réelle qui concerne principalement les coureurs de gravel et qui n’est pas aussi courante chez les athlètes de multisport : le risque de pannes mécaniques dues à l’accumulation de boue dans la transmission. Les routes non pavées et les terrains accidentés du gravel peuvent entraîner un encrassement plus rapide de la chaîne et des composants de transmission, ce qui peut impacter la performance.
Cockipits aéro
Les cockpits intégrés, c’est-à-dire les combinaisons guidon-potence avec une gestion interne des câbles et des tuyaux, se placent en tête de liste des caractéristiques offrant des avantages significatifs. Les lignes de freinage et les câbles de changement de vitesse semblent peut-être insignifiants pour créer une traînée, mais au cours d’une course qui s’étend sur plusieurs heures, les grammes de résistance économisés peuvent se traduire par des minutes gagnées, en particulier lorsque des composants aérodynamiques sont utilisés.
Les adeptes du gravel qui adoptent des cockpits avec un routage interne profitent de l’avantage aérodynamique dont bénéficient déjà depuis des années les triathlètes. De plus, pour les coureurs de gravel qui optent pour un routage interne des câbles, il existe un avantage supplémentaire : moins de lignes de freinage exposées se traduisent par un nettoyage plus aisé après la sortie, ce qui est un atout important compte tenu des conditions variées et parfois boueuses rencontrées sur les parcours gravel.
Le stockages et la bagagerie profilées
Les triathlètes avaient l’habitude de fixer des gels et d’autres collations directement sur leurs vélos (ce que certains athlètes font toujours) pour bénéficier d’un accès rapide et facile aux calories pendant la course. De nombreux participants à des épreuves multisports glissent des cartouches de CO2 de rechange et des démonte-pneus dans un petit sac attaché derrière la selle. Les vélos modernes conçus pour les disciplines multisports offrent maintenant des solutions de rangement intégrées et aérodynamiques, avec des espaces dédiés pour les collations sur le tube supérieur, ainsi que des compartiments situés derrière le tube de selle ou au-dessus du boîtier de pédalier pour ranger les outils de réparation des pneus.
Une autre caractéristique axée sur l’économie de watts est l’incorporation de compartiments d’hydratation : les poches d’eau sont placées dans des compartiments dans le tube diagonal ou derrière la selle, équipées d’un tuyau et d’une paille pour permettre aux cyclistes de boire tout en conservant une position aérodynamique.

Une leçon supplémentaire que les coureurs de gravel peuvent tirer des triathlètes est la préparation de la nutrition avant de la ranger sur le vélo. Si vous utilisez un compartiment de rangement étanche, il peut être judicieux d’ouvrir l’emballage de la nourriture avant de la placer à l’intérieur. Cela facilite l’accès à la nourriture sans avoir à utiliser les deux mains pour ouvrir l’emballage, ce qui peut être particulièrement pratique en mouvement et évite d’avoir à s’arrêter pour manipuler l’emballage.
Bien que les vélos de gravel ne disposent peut-être pas de réservoirs cachés, les compartiments de rangement sont devenus presque incontournables sur de nombreux modèles. Les récipients fixés sur le tube supérieur, derrière la selle, entre les tubes supérieur et inférieur, voire à l’avant du cockpit, sont devenus si courants que les vélos de gravel semblent « nus » sans au moins quelques compartiments attachés ou intégrés. Et même les marques jouent désormais sur ce crénraux en proposant des gammes « races ». Apidura, Restrap en ont fait leur fond de commerce.
Pour conclure, n’en déplaisent à ceux qui estiment que le gravel est une histoire d’esprit et de manière de vivre, force est de constater que la compétition à rapidement rattrapé la discipline, l’optimisation du vélo pour les coursiers est devenu le nerf de la guerre comme dans les autres disciplines, il n’est donc pas si étonnant de voir des vélos possédant des technologies issus du triathlon.